Du dessin à la broderie, de la peinture à la sculpture…, artiste plasticienne innovante, Micham, conjugue techniques et savoir faire. Sur toiles, papiers ou tissus ses encres comme ses peintures, d’une belle élégance, fourmillent d’inventions. De mutations en transformations, ses œuvres nous emportent dans un monde végétal où la vie, par essence, s’affirme en constante évolution…
Transparences, superpositions des éléments et motifs, métamorphoses des matières, détournements des objets, pertes des repères, articulations entre ce qui est vu et ce que l’on donne à voir. L’artiste possède le don de combiner l’improbable. Elle établit des correspondances entre la condition de l’être prédestiné et l’infini des possibles… Inventaire à la Prévert son écriture, son graphisme sont infiniment poétiques ; l’âme des choses en devenir bruisse entre les lignes et s’imprime dans une mouvance continue ; en cela, elle compose un hymne à la vie dont elle symbolise la puissance et la diversité à travers son renouvellement…
Ce symbolisme menant à l’universalité est une constante, un fil conducteur de l’oeuvre de Micham. Bois découpés, emboités, pyrogravés, peuplés d’empreintes, de signes, ses sculptures sont des totems, « arbres de vie » à figures humaines, leur esthétisme épuré nous invite à la méditation…
Mis en scène sur des panneaux pivotants ou des cadres suspendus agrémentés de moustiquaires, ses modules ouvrent leurs ailes et voltigent, avec légèreté, dans l’espace. Par le jeu des transparences, chacun d’eux joue avec la lumière. Cette lumière apprivoisée fait entrer le spectateur dans une dimension cosmique propice à la rêverie.
Philippe Lemoine
texte lu par son auteur le samedi 2 septembre 2017 lors du vernissage de l’exposition à l’Espace d’Art Contemporain Poulet de Gruissan (11).
Avoir un arbre à soi(e)
Moi, le murier à suc, comme un géant debout,
De mes feuilles verdâtres, sous ma cime un peu floue,
Je nourris dans mes bras les nids de vers à soie
Qui, à travers les ans, s’identifient à moi.
Ou bien objet vivant, ou bien sujet de bois,
Ni objet, ni sujet, l’un et l’autre à la fois,
Ma tête happe le ciel, mes pieds s’ancrent en terre,
Eléments essentiels pour fournir l’eau et l’air.
Quelques bouts de rameaux sentent la chlorophylle,
Mes fleurs près des bourgeons ont des odeurs subtiles.
J’essaime ici ou là et m’étends davantage,
Entre le bleu marine et les frais pâturages.
Malgré ma chevelure, grisonnante avant l’âge,
J’embaume l’atmosphère et tout le paysage.
Mon arôme s’étend jusqu’au lourd cumulus,
Se plait à parfumer le brun tapis d’humus.
Comme un vieux roi se plait au sein de ses sujets,
Je passe les saisons dans mon havre de paix.
Mon blanc est la fusion d’éléments naturels,
De restes d’hérissons, de matériaux charnels.
Je protège les lieux de mon long tronc ridé,
A l’abri des fusils, une biche effrayée.
Je cache les amants, sur ma couche enlacés,
Réconforte et réchauffe un mendiant fatigué.
Dans ma noble fonction voulue par la nature
D’éclaircir les saisons, de bénir les cultures,
J’entretiens ce milieu, appartiens à ces bois.
Si je ne bouge pas mes fleurs volent pour moi.
Le soleil blanc laiteux, aux tons de vers à soie,
Réveille la clairière, dessine un cercle en bas :
Large piste de bal pour arbuste en émoi
Ou pour concert d’oiseaux qui chantent à haute voix.
Mais si je suis puissant dans mon écorce dure,
Même si j’en impose avec mon armature,
Des hommes sont venus extirper les chenilles
Quitte à faire des bois un désert de brindilles.
A cajoler les arbres, comme les animaux,
A choyer la forêt comme on garde un troupeau,
Ils grandiront avec un peu plus de talent,
Côtoieront les poètes et leurs écrits de sang.
Alain Montoux
Poème en accompagnement d’une exposition d’OGMs au Salon Villemouss’Arts
sur le thème EMERGENCES. Novembre 2013 à Villemoustaussou (11).